VOUS, vos dépositions, l'ORONAVIRUS

Résumé Épisode précédent
 

 

 

 

 

 

VOUS, vos dépositions, l’ORONAVIRUS

Le « Barco de Papel », ainsi connu sur les mers du globe avait pris en remorque jusqu’au port de Yangoon un de ces grands immeubles flottants dénommés « paquebots » recueilli au large de l’île Narcondam[1] dans le Golfe du Bengale.
 « - Ce bateau dérivait près des côtes d’Andaman en haute mer, par 13°N et 94°E,  tournait sur lui-même, errait sans suivre un cap fixe, menaçait de s’échouer sur la côte voisine, avez-vous dit dans vos premières déclarations à la presse dès l’arrivée au port.. Vous examiniez les parois à la jumelle, les balcons, les ponts supérieurs, le poste de commande, le gaillard d’avant, sans voir quiconque, c’était le désert alors que ces bateaux contiennent plusieurs milliers de passagers et de personnel d’équipage et de service. Habituellement, lorsqu’on les croise, ils nous envoient de grands signes des bras pour nous saluer accompagnés par les sirènes puissantes du bateau.
Celui-là, rien de tout ça. » 
Vous dites également avoir croisé plusieurs autres de ces immeubles dérivant dans l’océan, modernes ou très anciens, fait que votre capitaine qualifia de tout à fait inhabituel car on les voit plutôt stationnés dans des ports historiques, hauts sur pattes, dégradant la vue des résidents ou des visiteurs soft, marcheurs, promeneurs, déversant leurs tonnes de déchets fumants dans les airs déjà bien encombrés ou parqués en musées sur les jetées voisines parcouru par le flux des groupes de touristes avides des choses de la mer.
« - Celui-ci était assez différent des paquebots classiques, imitant des navires anciens, on pouvait lire quelques lettres peintes sur sa coque «  O Y NESI N » sa silhouette d’apparence début du 20è siècle, montrait ses deux grandes cheminées et ses trois mats dont un cassé. Sans nul doute une imitation de navire du temps des bateaux à vapeur.
- Nos signaux radios restant sans réponse, nous approchons le « Barco de Papel » près d’une possible porte d’entrée, près d’une échelle d’accès à bord.
Il fut difficile d’y monter car de nombreux gestes barrières en empêchaient l’accès. »

Pus tard, ELLE, votre capitaine, déclara à Clarice que vous  n’aviez pas compris tout d’abord ce qu’étaient ces gestes barrières qui bloquaient l’entrée des passerelles d’accès aux ponts du navire.

« - Avec mon second, nous nous sommes rendus au bas de l’échelle du premier pont, le seul à bonne hauteur de notre bateau de papier, et à la lecture d’une affiche à moitié déchirée nous avons mis le nez dans notre coude et ainsi courbés, vu la barrière s’abaisser lentement devant nous. Tiens, il y aurait donc quelqu’un pour appuyer sur le bouton, mais je me trompais car un mécanisme dépassait légèrement de la coque et devait obéir à certain rituel à l’approche d’un corps en mouvement. Le nez dans notre coude aurait-il déclenché le mouvement de l’échelle ?
Nous nous aventurons dans le couloir central du premier pont, slalomant entre les portes des cabines ouvertes, vides de passagers, de corps, de toute trace d’habitation. L’atmosphère sombre, silencieuse y est glaciale, personne n’est entré ici depuis longtemps. Nos lampes frontales puissantes nous guident dans cette exploration incertaine d’un autre monde ou d’un autre temps. Que s’est-il donc passé ici ? L’affiche, là, au dessin malhabile, montre des corps et des museaux pointus, des dents acérées, des queues nues, des ailes cassées… »
A ces mots ELLE se sent saisie par des individus masqués, habillés de scaphandre qui l’entrainent avec son second loin du quai noir de monde du terminal de Thilawa, le nouveau port de Yangon, les projettent dans une ambulance vers l’hôpital le plus proche.
- Quarantaine lui dit Claryce. Ce bateau est passé en Mandchourie et a fait escale à Dalian en 1911 au plus fort de l’épidémie de peste qui a fait 50 000 morts.
- Mais c’est une imitation, répliqua-t-elle.
- Imitation ou réplique ? nous ne savons pas vraiment.
Ne sachant que lui répliquer elle le suivit au monastère où vous les membres d’équipage du Barco de Papel allaient être confinés avec elle.

- ELLE, vous êtes déjà passible d’une amende de 3000 dollars pour être montés sur ce bateau sans autorisation et au mépris de tous les arrêtés promulgués par le Roi du Pays des Éléphants en vigueur actuellement lui dit Claryce. ELLE tomba des nues, ne sachant ce qu’on lui reprochait. Il faut dire que le Barco de Papel était toujours un peu coupé du monde lorsqu’il il était en mer.
- L’ORONAVIRUS s’emporta Claryce, comment, vous ne connaissez pas l’ORONAVIRUS ? Et en plus vous venez de l’île de Narcondam !
- Mais non, nous ne "venons pas » de l’île de Narcondam, le Barco de Papel passait au large en direction du port de Moulmein quand nous avons vu ce navire fantôme !
- C’est quand même vous qui l’avez remorqué jusqu’ici. En général le premier témoin est le premier soupçonné !

Vous avez appris ainsi l’apparition il y a quelques semaines de ce nouveau virus, la fièvre de l’OR comme on l’appelait dans les bistrots des pays.
Un virus ancien qui avait sévit dans l’histoire du monde sous forme de pierres jaunes, puis de feuilles jaunes et qui revenait maintenant sous la forme des voiles de bateau jaunes.