(Éléphant rose)
Le jour du sacre, quelques trublions se faisant entendre bruyamment devant l’éléphant blanc de chaux, le ministre Castagneur lâcha ses chiens et ses canons à eau, ce qui fut du plus triste effet : les chiens mordant les mollets de la pauvre bête aux défenses blanc ivoire, celle-ci s’élança à toutes jambes sur le cortège tout devant, écrasant les militaires, piétinant les moines, l’eau de couleur rouge vif envoyée par les canons lavant la peinture blanche pour laisser apparaître un gris très commun et enfin la transformer en grosse fraise écarlate, puis en éléphant rose selon la loi des couleurs.
Sur son palanquin ballotté en tous sens, U MI MYI CRHON fulminait, tapait des poings sur ses gardes du corps, même Bandana, son ami intime reçut ce jour-là quelques coups.
Dès lors, le pays fut mis à feu et à sang pour plusieurs mois sur des places circulaires où l’on construisit des cabanes et dans les rues des villes de province ou de la capitale, puis, lorsqu’il y eut quelques vies perdues et beaucoup d’orbites crevées par les troupes de son ministre Castagneur, il fit voter des lois aux membres de son assemblée qu’on appelait « Go-di-lois » et pour calmer le peuple lança sur les écrans la grande chasse au trésor du Bouddha d’Or.
(Les shows du Bouddha d’Or)
Dans plusieurs grands shows nationaux retransmis toute la journée sur les écrans de fumée il déclara avoir compris son peuple :
- Nous, Roi de Bistromanie décrétons de nouvelles lois que notre assemblée va voter, pour donner plus à ceux qui en ont déjà beaucoup et donner moins à ceux qui n’en ont pas beaucoup. Quant à ceux qui n’ont rien et nous coûtent un max de pognon, ils finiront bien par partir ou repartir sans espoir de retour chercher ailleurs une vie meilleure, un monde différent, s’ils le trouvent.
- Nous, Roi de Bistromanie déclarons ouverte la chasse au trésor dont on parle devant les comptoirs des bistrots du royaume. Dans une île de la mer d’Andaman où la vie coule comme du miel de lavande, partez à la recherche des feuilles d’or et des bouddhas innombrables cachés dans les grottes, sous les palétuviers et les mangroves, le long des plages au sable si fin.
(Éléphant jaune d’or)
À sa suite ou le précédant, EL CAPITAL jubilait : « enfin, voilà retrouvée l’époque d’antan, celle où les femmes restaient à la maison et où les enfants travaillaient, cette époque des colonies, sans dimanche et sans congés payés »
EL CAPITAL allait pouvoir faire fructifier son investissement sur ce roi au sourire enjôleur et à l’œil perfide halluciné, joyeusement allumé le soir en secret dans sa chambre sous le baldaquin aux rideaux de tulle blanc, où, depuis le jour de son sacre il dansait avec des éléphants roses mal apprivoisés.
Caché dans cette île dorée sous les cocotiers, EL CAPITAL était devenu le vrai maître du royaume et des éléphants jaunes à feuilles d’or, de tous ces éléphants jaunes qui parcouraient maintenant le monde tant ils en avaient semé depuis qu’ils avaient mis à bas les mammouths rouges venus de Sibérie.